Les "figures" de Colmars
Crèche de l'église de Chaource (Aube, 1550)
Les origines de la crèche
La première crèche serait née en Italie ! Selon la légende, une nuit en l'an 1223 à Greccio, saint François d'Assise installa en l'église un âne, un bœuf, et convia chacun à célébrer la Nativité. Cette pratique rencontra un vif succès et fut suivie dans toute l'Italie.
Au 14e siècle, les premières crèches faites de statuettes en bois sculpté et doré apparaissent et se répandent dans les églises de Rome.
L'art des crèches sera superbement développé à Naples au 18e siècle, mais aussi à Rome et à Gênes, ainsi que dans les églises de Provence et de haute Provence, comme à Dauphin (crèche acquise en 1748) ou encore à Quinson (crèche acquise en 1742 et disparue aujourd'hui).
En France, après la Révolution et le Régime de la Terreur, les symboles religieux dans les lieux publics sont prohibés et de nombreuses crèches d'églises sont détruites. Les familles provençales cherchent alors à exprimer leur dévotion plus discrètement, à la maison, et achètent ou fabriquent des sujets en mie de pain, en fil de fer ou encore en plâtre, mais aussi en argile. Les sujets deviennent alors de vrais "santons", à l'instar des "santons d'un sou" de l'artiste marseillais Lagnel, durant la seconde moitié du 18e siècle.
Qui sont les santons ?
A l'origine, on trouvait dans les crèches la Sainte Famille, très souvent en cire, celle employée pour les cierges. Et autour d'eux seulement, les anges, les mages et les bergers. Puis, grâce notamment aux congrégations religieuses de la fin du 16e siècle (oratoriens, bénédictins, franciscains, concédant au culte un caractère moins austère) et avec la percée de l'art baroque, les crèches deviennent plus festives et plus proches des fidèles. On voit alors apparaître des personnages régionaux : l'aveugle, le bohémien, le meunier, le boulanger…
Cette nouveauté est accueillie favorablement et les artisans se spécialisent de plus en plus dans la représentation des détails et des gens. A partir de ce moment, la crèche devient le miroir de la vie quotidienne.
Roi mage, production napolitaine, 18e siècle
Et les santons de la Maison Musée ?
La qualité et la variété des tissus traduisent un réel soucis du détail, inspiré des modes vestimentaires de la seconde moitié du 18e siècle : du coton, de la soie et de la laine produite dans le haut Verdon.
A cette époque, les archives font état de liens commerciaux avec Gênes, il est tout à fait possible que ces figurines aient été achetées là bas, nues, puis ramenées et habillées à Colmars.
Crèche Maison Musée, 18e siècle
Comme pour les crèches napolitaines, les figurines de la Maison Musée présentent une grande qualité expressive, tant par les traits du visage que par les postures des personnages.
Les figurines mesurent entre 25 et 27 cm et sont constituées d'une armature métallique souple habillée de mousse, recouverte d'une toile de coton pour le corps. La tête, les mains, le bas des jambes et les pieds sont en terre cuite.
En assez mauvais état, certaines sont cassées, les vêtement sont tâchés et la polychromie des visage est encrassée et usée.
14 des santons de la Maison Musée sont inscrits au titre des monuments historiques.
Habillé d'une coiffe et d'une chemise en dentelle, cette petite figurine de l'enfant Jésus est en argile. Il ne s'agit pas du sujet d'origine qui lui, était en cire, comme souvent dans les représentations.
Marie sur socle, vêtue d'une robe longue blanche et brodée de fil doré au bas et serrée à la taille par une ceinture dorée. Un voile blanc brodé de dentelle est posé sur sa tête et une tunique bleue recouvre sa robe. L'hypothèse que les figures aient été achetées nues puis habillées ensuite à Colmars pourrait se vérifier ici de part la posture adoptée et par sa main gauche, destinée à venir accueillir une pièce supplémentaire, non acquise.
Joseph porte ici un costume ancien à la mode orientale avec une robe violette et une grande toge jaune couvrant une épaule. Il est chaussé de sandales. C'est une homme barbu, comme l'étaient les hommes de Galilée. Son corps est fait de fer et de crin enroulé dans des bandelettes en coton. Il lui manque le pied gauche
L'âne, couché, les pattes repliées, est lui aussi très expressif. Ses oreilles sont basculées vers l'arrière et sa bouche est ouverte, il est en train de souffler.
Ce roi mage porte une barbe blanche et bouclée. Il porte une tunique jaune à motifs blancs brodés en bordure et une cape rose. Il est agenouillé sur un socle rectangulaire en pin.
Cette femme au visage angélique est habillée d'une robe rouge, d'un foulard rouge à motif d'indienne et d'un tablier noir brodé en bordure.
Les cheveux, particulièrement travaillés, sont attachés par un ruban rouge peint.
Ce berger est habillé d'un manteau couvert d'une cape au col large, pourvue d'un capelet. Le pantalon est fait du même tissu de laine (noir, beige et marron) et ses pieds sont chaussés de souliers noirs à lacets. Le visage, comme pour les autres figurines, est particulièrement travaillé, dans un style caractéristique de la seconde moitié du 18e siècle : les lèvres fines, les yeux à demi fermés et les pommettes roses.
Ce berger, avec son chien tenu en laisse, porte une veste en laine "du pays", rayée marron et beige. Un chapeau en laine marron est fixée sur sa tête. Son visage est particulièrement expressif : ses yeux sont fermés, sa bouche ouverte, sa barbe marron et frisée, lui allonge le visage et accentue son attitude.